Une des principales victoires du mouvement d’Ayotzinapa est d’avoir démontré que la corruption est un phénomène structurel lié à la fois à un système politique qui va à l’encontre de la volonté populaire et à un système économique injuste basé sur le profit et la destruction de la vie sociale. Le 20e rapport annuel de l’ONG allemande Transparency International consacré au niveau de corruption des Etats attribue une note de 35 sur 100 au Mexique, plaçant le pays au 103è rang sur 175 de son classement. Le Mexique partage ainsi cette place avec la Bolivie, la Moldavie et le Niger. Le problème de la corruption ne se résoudra pas par de simples « changements de cabinet » comme l’a clairement signalé Omar García, rescapé du massacre du 26 septembre d’Iguala et dirigeant naturel indiscuté du mouvement des étudiants des écoles normales rurales salué aujourd’hui au niveau international pour son courage et sa clarté politique.
Sous le régime de l’Accord de libre-échange nord-américain (Alena), le Mexique s’est inséré à la globalisation néolibérale, mais est également devenu une usine à fabriquer des pauvres. Ce pays, qui pourrait dans d’autres conditions s’affirmer comme une puissance économique latino-américaine, reste l’un des plus inégaux de la planète. Il compte d’un côté l’un des hommes les plus riches du monde, Carlos Slim, et de l’autre 65 millions de personnes qui survivent avec moins de un dollar par jour. Les diverses manifestations et protestations qui ont lieu jour après jour dans le pays et dans le monde entier contre le régime néolibéral du Parti révolutionnaire institutionnel (PRI, centre) tendent précisément à dénoncer cette situation. Les Mexicains en ont assez de la corruption, de l’exclusion, des fraudes électorales et de la militarisation.
Les slogans en faveur de la justice et qui exigent que tout soit fait pour retrouver les corps des 43 étudiants dont la disparition a été causée par l’Etat incarnent aujourd’hui un cri assourdissant contre le piétinement de la démocratie, la répression, la militarisation, l’impunité, la privatisation et la collusion du pouvoir politique, des monopoles privés et des médias.
A ce jour, selon l’étude de l’organisation Latinobarómetro, seuls 21% des Mexicains se considèrent « satisfaits par le fonctionnement de la démocratie », ce qui place le pays à l’avant-dernière place en Amérique Latine, devant le Honduras, autre pays douloureusement affecté par la guerre et la militarisation. Le Mexique est également le pays latino-américain qui compte le plus haut niveau de méfiance envers les partis politiques existants (45%), et la côte de popularité de Enrique Peña Nieto est en chute libre. Enfin, en matière de justice, la majorité des Mexicains se méfie des autorités, et quand ils sont victimes de délits et d’abus, ils ne perdent plus leur temps en allant porter plainte ou en saisissant les tribunaux. Seuls 6,2% des crimes commis dans le pays sont suivis d’enquêtes et un nombre encore plus infime donne lieu à des condamnations avec réparation pour les victimes ou a des sanctions.
Ces chiffres reflètent la claire décadence institutionnelle que vit le Mexique et une situation de corruption structurelle du système judiciaire, politique et économique. La crise humanitaire que traverse le pays ne s’explique pas seulement par une politique de sécurité et un système judiciaire « inefficaces » ou « non-efficients », mais avant tout par une faille structurelle quant à l’incapacité de l’Etat à rendre des comptes, incapacité renforcée par la prédominance des abus de pouvoir et du règne absolu de l’impunité à tous les niveaux. C’est pourquoi les Mexicains ne veulent pas de nouvelles réformes néolibérales, ni de nouveaux dirigeants politiques avec les mêmes méthodes d’abus, d’impunité et de corruption, de nouveaux pactes avec les mêmes politiciens qui méprisent toujours autant la Constitution nationale. Ce que recherche le mouvement d’Ayotzinapa, c’est de reconstruire les bases politiques et sociales du Mexique. Dans cette perspective, il exige la démission de Enrique Peña Nieto comme pré-condition minimale pour refonder l’Etat et établir, à partir de là, une meilleure relation entre ce dernier et la société.
Il est évident que Enrique Peña Nieto refuse d’assumer sa responsabili
té dans cette crise humanitaire puisqu’au lieu d’écouter la société, il retourne le couteau dans la plaie du peuple mexicain, imposant plus de contrôle, de centralisation politique et augmentant le niveau de militarisation de l’Etat de Guerrero. L’objectif ultime de Enrique Peña Nieto est de donner des garanties aux investisseurs étrangers et aux oligarques de la région qui exigent de la « stabilité » afin de poursuivre leur enrichissement sur le dos des communautés du sud en tirant profit des règles du jeu néolibéral. La cession de pans entiers du territoire national aux narcotrafiquants constitue le revers de la médaille de la distribution des réserves pétrolières aux multinationales rapaces.
Néanmoins, les étudiants et les pères de famille d’Ayotzinapa .... para continuar leyendo el texto de click aquí